Confinement
Étiquettes : , ,

 
 

Je suis facteur de masques, je crée des masques pour la scène.
Des masques pour jouer, jouer à l’autre, avec un corps différent.
Un corps qui bouge différemment, parce que masqué.
Un masque qui met une distance, pour bien voir le personnage se dessiner, pour le
Regarder.
Pour comprendre
Quelque chose de la vie que le comédien ou la comédienne dedans dessine.

 

Et puis il y a le coronavirus et puis il y a le confinement et puis il y a Les masques.
Les masques d’isolement.

 
 

 

 

Alors je me questionne.
Parce que ces masques-là ne sont pas au bon endroit, ça ne va pas !
Nous on fait des demi-masques, mais de l’autre moitié, pour pouvoir parler, crier, dire !
Ou des masques entiers qui couvrent tout pour cacher complètement le comédien, la comédienne, le danseur, qui sais-je ! le modifier entièrement, histoire de voir ce qu’il devient !

 

Mais là !
Là le masque il empêche ! il musèle ! il muette ! il écarte ! il chasse !
C’est tout le contraire !!!!!!

 

Alors je tentative… tentation… essaie… pour voir un peu sans trop d’anecdote ce qu’il peut raconter ce masquage-là, celui qui bouche le nez et la bouche…

 

Alors il y a eu celui qui se retient, ou qui est retenu…… rendu muet des dix doigts.
Celui- là raconte comment on peut détourner l’empêchement en le prenant à son compte, passer par-dessus l’interdit pour en faire autre chose, faire sourire aussi, du redoublement d’attention …
Tiens, c’est un bon masque pour parler de tous ces gens qui créent partout et qui ne peuvent plus, maintenant, parce qu’il y a ce virus qui empêche de se toucher……
Et ce serait un bon masque aussi pour parler de toutes ces femmes qu’on fait taire……
Mais quel personnage imaginaire ? Pas vraiment imaginaire hein…. Alors celui-là je le porte, moi, en moi qui vais faire les courses, avec un tissus en-dessous pour rassurer les gens parce qu’évidemment il n’est pas très sûr pour retenir le virus celui-là, si jamais… Et parfois il interpelle, et convoque la parole.

 

Et puis après il y a eu Medusa.
Parce que Medusa elle parle avec les yeux, elle n’a pas besoin d’autre chose.
Là c’est un personnage. Mais pas facile à jouer non plus hein ! Mais on peut jouer avec. Prudemment !

 

Et pour finir il y a eu le clown. Alors lui, enfin elle, enfin ça dépend, parce qu’en fait les masques, hein, ça n’a pas de genre, féminin, masculin, ça peut passer de l’un à l’autre comme ça, d’un claquement de doigt ! ça dépend du corps, de la façon de faire, tout ça.
Le la clown aussi il est empêché, mais le la clown c’est moins grave, parce qu’empêché c’est son métier à lui, le la clown, c’est comme ça qu’il nous partage du rire.

 

On va bientôt sortir….
Ah……
C’est que j’aimerais bien revoir des masques… dehors… au théâtre… dans la rue… portés par des artistes… des masques de créateurs de masques… des masques pour jouer !!!!
Il va falloir compter avec les gestes barrière et les distances vitales tout ça. Et les empêchements de jouer. Ca va être encore plus compliqué de sortir les masques maintenant…

 

Marine Donadoni
Le 8 mai 2020